lundi 27 juin 2011

Tsvetana Pironkova.

Le soleil aujourd'hui frappe fort et inquiète
Paris, qui sous la chaleur se débat
Comme Vénus sous les coups de raquette
De la fine et superbe Tsvetana
Rêve et ne se relèvera pas.

vendredi 24 juin 2011

Rue de Rennes.

Aux premiers jours des soldes
Les filles de la rue de Rennes
Ne font qu'essayer, essayer, essayer...
Normal qu'elles paraissent ensuite
Un peu hésitantes
Pour les affaires courantes.

Pensée.

Quand quelqu'un m'assaille de sa jalousie
Je file sur la pointe des pieds
Laissant celui qui dit oui
A ma place.

La quinte de toux.

Au moment où tu as eu
Ta quinte de toux
Dans ce cinéma d'art et d'essai
De l'avenue Mac-Mahon,
Les acteurs à l'écran
Ont stoppé leur jeu
Et t'ont accompagnée du regard
Attendant que tu reviennes
Pour poursuivre leur scène.
Voilà une belle démonstration
De ce qu'on appelle
La classe hollywoodienne.

William Eggleston.

Même si dans son regard
Explose
La solitude en friche
Devant un livre de photos
De William Eggleston
Je me dis que j'aimerais vivre aux États-Unis
Plus tard
Ou un jour
De mon passé sur terre.

Le pont des Arts.

Un boulevard de cadenas
Sur le pont des Arts
Là où nous nous sommes embrassés
Pour la première fois
Tant d'inconscients y ont scellé
Leurs fugitives amours
Tandis que nous avons fait ça
Très librement je crois.

vendredi 17 juin 2011

La prudence.

Il y a cette fille
En face de moi
Qui vient d'éternuer.
Et j'ai très envie de lui dire :
"A vos souhaits !"
Mais en même temps j'ai la trouille
Parce que ce sont ses souhaits à elle
Et elle pourrait très bien me répondre :
"De quoi je me mêle ?"

Deux 17h30 de mon existence.

17h30 j'aimais bien
Sortir d'un rendez-vous chez le dentiste
Même avec son horrible pâte à fraise
Qui prenait l'empreinte de ma mâchoire
En vue de la pose d'un appareil dentaire.
J'aimais bien parce que après
Mon père m'emmenait toujours
Choisir une bd de "Strange" ou de "Spidey"
Chez le marchand de journaux.
Et j'aimais rentrer à la maison
En commençant un peu la bd dans la voiture.
Pourquoi est-ce que je repense à ça, aujourd'hui,
En croisant de jolies femmes qui sortent du bureau
Avenue Kléber ?
Parce qu'il est aussi bien, aujourd'hui comme hier,
17h30.

Mikuniya Zengoro.

La pluie se fait attendre
Mais elle arrive enfin
Au moment où je vais chercher le colis
Que m'a envoyé du Japon
Mon amie Sanae
Et qui contient du thé
De chez Mikuniya Zengoro.
Alors c'est comme si
La pluie arrivait de très loin
Et avec amitié
Au-delà des montagnes
Par le Japan airmail.

La matière première de son image.

Il y avait une fille blonde qui est entrée dans la rame de métro
Pas une beauté parfaite
Mais de celles dont l'imperfection fait le voeu d'un strapontin pour soi.
C'est comme ça qu'il voyait les choses,
Le type assis à quelques mètres d'elle
Qui n'arrêtait pas de lui jeter des coups d'oeil
A s'en décrocher la tête.
Sauf qu'il avait des écouteurs filaires
Qui lui pendaient de part et d'autre des oreilles,
Alors ce n'était même pas pour la musique de cette fille,
Il se foutait bien qu'elle respire
Il s'intéressait juste à la matière première de son image
La part la plus flagrante
Comme une mouche abrutie se colle
A l'écran d'une vitre.

Société de gisants.

Il y a de plus en plus de personnes
Qui à toute heure de la journée
Dorment
Sur les marches d'une église,
Devant les portes vitrées des théâtres,
Dans le renfoncement des halls d'immeubles,
Dans Paris qui devient
Une société de gisants.
Et peut-être qu'un jour
Moi aussi je viendrai
M'endormir devant ta porte
Et même devant ton théâtre
Même devant ton église
Plus ou moins
Spontanément.

vendredi 10 juin 2011

Prêtre chanteur ou pas, un groupe de musique ça ne dure jamais bien longtemps.

Encore tout frais tout émoulu, tout juste au séminaire,
Il l'a voulu et il l'a fait : chanter avec ses frères.
Mais c'est omettre la règle qui vaut pour tout chanteur :
Y a toujours une groupie qui a la tête de l'âme sœur !

Rue Rochechouart.

Un jeune type se lève
De la couchette pouilleuse où il végète toute la journée
Pour se rendre à l'épicerie encore ouverte
Et sur le trajet
Il balance une cannette de bière
A la tête d'un quidam qui promène son chien
Assorti d'une menace haineuse :
"La prochaine fois que tu laisses ton chien me pisser dessus
Je te démonte la tête, sale tantouze."
Le type au chien remonte la rue Rochechouart
Comme s'il n'était pas la victime de ces insultes.
Il ne se laisse pas démonter, pour le coup.
Mais moi qui arrive face à lui, je vois bien à son visage
Qu'il est décomposé.
La haine chez l'un, la stupeur chez l'autre :
Deux directions intérieures
Pour leur rencontre.

Un instantané de 1998.

Je me souviens en 1998
Quand Marine se levait avant moi.
Avant de partir travailler.
Elle venait prendre son petit déjeuner au lit
Et je terminais ma nuit
Le visage collé à ses jambes nues.

mardi 7 juin 2011

Hot cocoa.

Il y a les travaux qui n'en finissent jamais
Les miens, intérieurs,
Et ceux tonitruants de cet immeuble
Qui font trembler les murs.
Il y a la fraîcheur du vent qui serpente en juin
Et l'inquiétude à évoquer
Les années à venir.
Alors d'où vient
Cette odeur de chocolat chaud
Quand j'ouvre la fenêtre ?

En lisant un article sur Peggy Harris.

Le fantôme de Billie
N'est pas venu
Durant tout ce temps
Pour lui dire :
- Ne pleure pas
Et remets à la prochaine vie
Cet espoir fou
De vieillir ensemble
Dans ce monde dingue.
Au prochain tour je te promets
De ne pas te laisser seule,
Une seule seconde.
Tes baisers je préfère
A la mitraille lugubre
Dans le ciel de Colleville.

La fille au yoyo.

Le mauvais temps
Joue au yoyo
Avec la chaleur accablante
Tant est que l'on prend froid
Comme en tenaille
Entre les bras
D'une fille légère.

Hopper.

Si Edward Hopper
Était encore de ce monde
Il aurait peint
Ce couple triste
Patientant devant
Le Domino's Pizza
De la rue
Hippolyte Lebas.

jeudi 2 juin 2011

Chose à dire au prochain poète qui aurait la bête idée de mettre fin à ses jours.

On retrouve souvent les gens morts
Avec près d'eux
Un revolver
Plutôt qu'une escalope de veau.
Comme quoi la vie
N'est pas si absurde que ça.

Prenez plutôt l'escalier.

Il y a des chanteurs
Qui ont si peur de tomber
Au troisième sous-sol des hit-parades
Qu'ils ne seront jamais prêts
A renvoyer l'ascenseur.

Est-ce qu'il vous reste une chambre ?

Échange deux-trois mots banals
Avec une jolie fille
Et l'hôtel borgne de la journée
Donne sur un arc-en-ciel.

L'île des amours véritables.

Sur le quai d'une station de métro
Au milieu d'une conversation
Une fille dit à une autre :
"Il s'est passé tellement de choses sur ton canapé",
Et soudain la fille à qui appartient le canapé est prise d'une tristesse
Incommensurable
De celles qui ne pourront pas passer 
Même dans l'ouverture pourtant vaste d'une rame de métro.
Elle pense à toutes les choses qui se sont passées sur son canapé
Et se demande si ça saute aux yeux
Quand on entre dans son salon
Que son canapé c'est vraiment le genre de barque pourrie
Où on peut embarquer des tas de gens
Mais qui prend l'eau avant qu'on atteigne 
L'île des amours véritables.